Géographie sensible: Les plages en Inde

Inutile d’aller en Inde pour ses plages de sable banc et ses eaux turquoises, le charme est ailleurs.

Plage de Kovalam

Tout au long des 7000 km de côtes indiennes, les plages ne sont pas dénuées d'intérêt, au contraire...

----- DES AMBIANCES -----

On y trouve des ambiances qui permettent de déplacer notre regard occidental en douceur et appréhender le culturellement différent en Inde (là, c'est complexe et c'est peu de le dire). Sur les plages, on perd plus facilement nos vilains réflexes de vouloir tout visiter, on a plutôt tendance à ne rien faire. Et quand on se pose quelque part pour ne plus bouger, il se passe des choses invraisemblables, des choses qui surgissent parce que l'on est resté; parce que l'on a pris le temps de regarder, parce que l'on est passé des dizaines de fois au même endroit ...

----- QU'EST CE QU'ON PÊCHE? -----

Il y a des milliers de plages de pêcheurs. On y trouve une culture vivante captivante: des techniques de pêches ancestrales, l’alternance, de la plage vide puis encombrée par les enfilades de pirogues, qui permet de repérer le rythme des pêcheurs et le type de pêche, les longues scènes de démêlage de filets qui incarnent une forme de sagesse, les retours de pêches qui permettent de découvrir les richesses halieutiques du coin, l’arrivée des chats qui viennent se restaurer, les ventes qui font entrer les femmes avec leur tenue colorée, les bateaux qui portent tous des signes religieux permettant de protéger les équipages des dangers de la mer et prédisent les pêches abondantes. Cette pêche traditionnelle est un bon exemple du rapport équilibré entre l’homme et son environnement.

----- LES TOURISTES -----

Il y a les plages touristiques de Goa (le plus petit Etat de l'Inde) qui témoignent d’une évolution du tourisme en Inde. Le développement des stations balnéaires est progressif du Nord vers le Sud déclinant des concepts et traduisant des modèles occidentaux et des modes au fil des décennies. Aujourd’hui, les plages gardent leur vernis d'origine faisant ainsi le grand écart entre les plages de baba cool aux plages de routards, des constructions en béton aux paillotes habillées d’un tressage végétal, des festivités nocturnes aux activités nature et bien être, des consommations extra légales aux consommations ultra légales, … En passant d’une plage à l’autre, vous pouvez vous laisser porter par divers courants : avec les touristes russes qui ne quittent jamais leur bikini, avec les retraites européens qui organisent la balade matinale sur la plage tous les jours à 9 heures, avec les rêveurs pour planer toute la nuit, avec les bobos stressés qui se mettent tous au Yoga et aux massages, avec les grands voyageurs, perturbés par tous ces codes, qui préfèrent raconter leur dernier périple, avec les touristes indiens, souvent très chics, qui viennent des 4 coins du pays, avec les marchands originaires du cachemire ou du tibet qui préfèrent les russes et les anglais (ils dépensent sans compter; ils se font facilement avoir aussi)… En passant d’une plage à l’autre, vous pouvez presque remonter le temps depuis les années 60 à aujourd’hui.

----- UN QUARTIER DE PLUS -----

Il y a les plages urbaines, comme celle de Chennai, qui ont une allure quotidienne de 15 août en faisant l’impasse du feu d’artifice. La plage est occupée par une fourmilière humaine qui circule au rythme des pêcheurs, des sorties d’écoles, des sorties de bureau, des sorties entre homme qui ont la particularité de se tenir par la main ou par l’épaule, des sorties en famille,…. Les villes indiennes sont étouffantes en raison d'une surpopulation, de la pollution et du rythme frénétique. Les indiens viennent se chouter à l’air marin et baigner dans l’animation de la plage qui prend chaque heure et chaque jour une forme nouvelle : des marchés discontinus et thématiques, des spectacles improvisés, des manèges installés, des formes ambulantes qui exposent aussi de la créativité et de la débrouillardise... C’est en réalité un quartier de la ville qui a son propre fonctionnement, ses règles et son économie.

----- ATMOSPHERE POPULAIRE -----

Il y a les plages populaires comme le jour du 1^er de l’an à Kovalam. Cette station balnéaire, au sud du Kérala, est habituellement un lieu de villégiature prisé par les riches indiens. Ce jour là, elle va se défigurer au fil des heures effaçant la quiétude et noyant les résidents dans une surprenante marée humaine. Comme la place Jemma El Fna à Marrakech, cette plage habillée devient un espace culturel et fascine par sa beauté et son élégance. Les étoffes subliment le lieux.
Tout le monde était là avec son appareil photo à la main: les femmes en saris soyeux qu'elles n'hésitent pas à tremper dans l'eau de mer, les vendeurs ambulants qui viennent faire fortune, les quelques touristes qui n’ont pas eu le temps de quitter leur maillot de bain, les bonnes sœurs avec des voiles imposants aux bordures blanches, les familles qui font le bonheur des enfants, les chiens qui trainent comme chaque jour sans paraitre dérangés, les maîtres nageurs inquiets de voir tant de baigneurs qui ne sont pas des nageurs, ... on se laisse agréablement rattraper par les proportions de l’Inde et on déambule des heures dans cette ambiance freindly. Les touristes ont finalement le rôle de contribuer à la diversité culturelle du moment. On est tous là pour la même chose: la plage.
Les touristes sont sans cesse invités pour venir sur la photo de famille ce qui rend propice ensuite la rencontre. Une famille nous interpelle, on attend alors un bon moment pour rassembler les quatre générations, la belle fille nous raconte qu’ils sont venus en bus du Nord du Kérala (8 heures de route) et qu’ils repartiront cette nuit. Et puis, elle nous présente fièrement sa famille et surtout ses deux garçons auxquels elle demande d’exercer leur anglais. Les enfants nous disent "hello" avec un large sourire et prennent immédiatement la direction de la baignade. Il nous faudra encore attendre pour la photo...
Chaque échange, même court, permet de comprendre un peu mieux cette société indienne en pleine évolution. Les conditions étaient réunies pour vivre un moment exceptionnellement banal: Incredible India.