INDONESIE
Mêmes les grands scientifiques ne dévoilent pas les secrets des volcans. Le magma, ça me fait penser à une bulle d'air qui remonte
à la surface de l'eau, c'est incontrôlable...
GUNUNG WELIRANG |
Les
volcans, on les perçoit chacun à sa manière, on les craint, on s’en méfie, on
les vénère, on s’y aventure...
D’EN HAUT -----
Assise à côté du
hublot, je survole l’île de Java, d’Ouest en Est, de Jakarta à Surabaya. Je
vois un volcan,
puis deux, puis trois, il y en a plein. On est sur la ceinture de feu du
pacifique. On est à une limite de plaques et le magma passe par les failles pour
traverser l'écorse terrestre. Comme dans les bouquins de géographie, on repère
différentes formes coniques et monumentales, certaines sont parfaitement
dessinées avec un vaste cratère qui dégage des nuées ardentes. On perçoit la zone stérile au sommet et la
végétation luxuriante sur ses pentes.
L'ETUDIANT DE SURABAYA -----
A côté de moi, il y a
un jeune qui voyage seul. Cécilia (prénom masculin) est étudiant en économie à Surabaya. Il envahit
de plus en plus ma bulle d’intimité car il est absorbé lui aussi par le
paysage. Il me montre le célèbre volcan Merapi. Il s’est réveillé après 400 ans
de sommeil en 2009 (on passe à l'échelle géologique). Comme un écureuil, il
avait gardé dans sa chambre une réserve de magma qui, et on le voit très bien,
a recouvert l’édifice d’une épaisse couche de lave noire. Cette dormance lui
vaut aujourd’hui de devenir le « roi » des volcans. Perçu comme
indomptable et très puissant, on se méfie tous de ses caprices. D'ailleurs, Cécilia me regarde avec les gros yeux et me déconseille d'y aller.
Pourtant, il a
grandi au pied du volcan Ijen,
toujours actif. Il m’explique qu’il a joué toute son enfance autour du cratère
(à l’époque il n’y avait pas de touristes) et que sa famille est installée
depuis des générations sur ses pentes. Ils font partis de ces agriculteurs
qui sont venus habités le volcan malgré les dangers et les croyances. Les
cafiers y poussent bien ; les terres sont fertiles (grâce à un processus
d'argilisation qui rend les sols riches en minéraux) et le climat est
doux. Je le vois quand il en parle, il aime son volcan, il y passe toutes ses
vacances. Cette fois, ce sera pour la récolte. Il
regarde sa montre et me dit: encore 5 heures. Il lui reste 60 km; il devra prendre 4 bus différents.
LE VOLCAN DES ETUDIANTS -----
A peine installé dans un petit hôtel de Surabaya,
j’ouvre les guides touristiques du Routard et du Lonely. Etrangement, il y a
peu de choses sur les ascensions. Les touristes iraient-ils tous au même
endroit ? Je ferme les livres et pars diner.
Au bout de la rue, dans un warung (restaurant local)
tenu par des indonésiens d’origine chinoise, la femme prépare un riz amélioré,
son mari, seul au milieu du restaurant, lit le journal et les enfants naviguent
entre la salle du restaurant et la maison qu’une porte battante sépare. Cet
homme, aux yeux plissés, se rapproche, curieux de discuter avec des touristes;
le sujet arrive vite sur les volcans. Il parle de la région de Tretes car
parait-il, il y a plein de volcans, c’est pas très loin et c’est là que les
étudiants font traditionnellement leurs ascensions. Il va chercher une carte
qu’il ne trouvera pas dans l’immense bazarre que j’aperçois derrière la porte
battante.
L'OFFICE -----
A Tretes, l’office
de la réserve naturel est au centre du village, un peu à l’écart de la route.
L’endroit est petit et poussiéreux. L’aménagement est rudimentaire avec une
armoire en bois plantée au milieu de la pièce, une table et un poster accroché
sur le mur de gauche. Ce qui m’intrigue, ce n'est pas le tigre sur le poster,
c’est qu’il n’y a pas de fenêtre, pas de porte et surtout, pas de chaise... ça ne ressemble pas vraiment à un office. Un
vieux s’approche, ne parlant pas un mot d’anglais, comme tout le monde ici.
Avec des notions d’indonésien, il devient possible de partir 3 jours ou 4 jours
(ce n’est pas très clair) mais il faut une tente. Un jeune ira en ville pour
acheter le matériel. On se donne rendez-vous le lendemain à 8 heures.
LE VIEUX -----
Il est là, avec ses bottes en caoutchouc et sa casquette.
On se dit bonjour, on part dans la foulée en commençant par traverser une forêt
d’hévéas (production de caoutchouc) et juste après une bananeraie. Le chemin est
ponctué de gros cailloux et très cabossé, à tel point qu’il faut regarder où
l’on pose ses pieds pour éviter l’entorse. La pente est raide mais le vieux
n’est pas essoufflé, il monte facilement. Sans aucun doute, il est sur ses
terres. Le vieux parle peu. Je sens que c’est simple alors j’essaie de ne pas
compliquer les choses et ne pose pas de question. Il a raison, c’est agréable
de ne pas chercher à comprendre, de ne pas penser à ce qui va se passer dans
une minute et encore moins dans une heure,
d’être loin de tout et d’être en pleine nature. Il me montrera ici et là
une plante (c’est son truc). Je regarde l’étagement de la végétation qui évolue
au fur et à mesure que l’on monte. Il y a des paliers très marqués; on
passe d’une espèce à une autre et d’une forêt à une autre. Il
contemple aussi le paysage, je le vois du coin de l’oeil. Il a aussi ses
petites habitudes, il ne s’arrête pas n’importe où pour la pause, il fume ses
kretek et il regarde d’une manière particulière.
3 JOURS D’ASCENSION -----
mardi 19 juillet
Tretes (700 m d’altitude) jusqu’à un camp des collecteurs de soufre, perché à 2500 m
Tretes (700 m d’altitude) jusqu’à un camp des collecteurs de soufre, perché à 2500 m
mercredi 20 juillet
le gunung Arjuno (3339 m), le gunung Welirang
(3156 m)
jeudi 21 juillet
Retour à Trestes
Retour à Trestes
LES ETUDIANTS SONT
BIEN LA -----
On ne croisera pas un touriste mais bien 2 petits groupes d'étudiants de
Surabaya . Ils passent une semaine sur les volcans et en autonomie. Ils randonnent avec des
sacs à dos techniques et volumineux. L’un d’eux a 25 kg sur le dos. Ça me
parait démesuré mais il a certainement une raison.
SENSATIONS FORTES -----
L’ascension des volcans, actifs ou semi actifs, est une
expérience envoutante. Plus on s'approche du sommet, plus nos sens sont bouleversés : les vues spectaculaires, les couleurs vives des matériaux naturels, les
vibrations de la terre sous les pieds, le grondement du volcan, les odeurs
violentes d'oeufs pourris, l'immersion dans les vapeurs acides, la chaleur de la terre,…
EXPERIENCE ANTHROPOLOGIQUE -----
Un camp est installé à 2500 m (avec un point d'eau). C’est le point où la jeep ne peut plus passer
et là ou les hommes prennent le relais pour aller exploiter et transporter là bout de bras le
soufre. Au départ, la vie au camp parait irréelle, on a
l’impression d’être sur un plateau de tournage d’un film historique ou d’une
fiction.
Il a y des cabanes, toutes construites sur le même modèle (les fondations en pierre et la structure en bois). A l’intérieur, il y a un lit (une couverture au sol plutôt) à droite et à gauche et un feu de bois au milieu.
Il y a une petite halle (matérialisée par une dalle et une bâche bleue) où un type avec un chapeau feutré pèse toute la journée des énormes sacs de soufre qu’il déplace au prix d’un effort surhumain.
Et il y a des hommes qui débarquent successivement à partir de 16 h tirant une charrette surchagée de soufre. D’ailleurs, il l’abandonne à 2 mètres de la halle, n’ayant plus le courage de faire les derniers mètres. Ils sont emmitouflés de la tête au pied, on ne voit que leurs yeux et leurs vêtements sont recouverts d’une épaisse couche de poussière (les cendres du volcan plus exactement). Quand ils enlèvent leur turban, on découvre des visages marqués, des lèvres rougis par le betel et des dents très abîmées, quand il en reste. Ils reviennent du Welirang. Ensuite, la vie au camp s'organise de manière précise. Après 11 heures de travail, la journée n'est pas encore terminée et le temps est précieux. Il faut se dépoussiérer dans la rivière glacée, réparer la charrette (objet réalisé par les collecteurs avec les matériaux locaux: du bois, des clous, 2 pneus, de la ficelle, et des élastiques) et couper du bois pour faire cuire le riz. Tout cela, on le sait parce qu'il y du vacarme, ou plutôt un tapage de marteaux et de haches qui résonne dans la montagne.
Il a y des cabanes, toutes construites sur le même modèle (les fondations en pierre et la structure en bois). A l’intérieur, il y a un lit (une couverture au sol plutôt) à droite et à gauche et un feu de bois au milieu.
Il y a une petite halle (matérialisée par une dalle et une bâche bleue) où un type avec un chapeau feutré pèse toute la journée des énormes sacs de soufre qu’il déplace au prix d’un effort surhumain.
Et il y a des hommes qui débarquent successivement à partir de 16 h tirant une charrette surchagée de soufre. D’ailleurs, il l’abandonne à 2 mètres de la halle, n’ayant plus le courage de faire les derniers mètres. Ils sont emmitouflés de la tête au pied, on ne voit que leurs yeux et leurs vêtements sont recouverts d’une épaisse couche de poussière (les cendres du volcan plus exactement). Quand ils enlèvent leur turban, on découvre des visages marqués, des lèvres rougis par le betel et des dents très abîmées, quand il en reste. Ils reviennent du Welirang. Ensuite, la vie au camp s'organise de manière précise. Après 11 heures de travail, la journée n'est pas encore terminée et le temps est précieux. Il faut se dépoussiérer dans la rivière glacée, réparer la charrette (objet réalisé par les collecteurs avec les matériaux locaux: du bois, des clous, 2 pneus, de la ficelle, et des élastiques) et couper du bois pour faire cuire le riz. Tout cela, on le sait parce qu'il y du vacarme, ou plutôt un tapage de marteaux et de haches qui résonne dans la montagne.
LE SECRET DES COLLECTEURS -----
Il y a peu de place à la distraction mais en fin de
journée, on peut discuter avec eux, en indonésien évidemment. On parle de leur
famille, de leur enfant et de leur travail essentiellement. Ils habitent dans
les plaines à quelques kilomètres de là. Ils travaillent 4 jours et rentrent 3 jours chez eux.
Ils disent que leur espérance de vie est de 45 ans environ, une dure réalité que l'on croit facilement avec ses conditions de travail d'un autre temps..
Ah oui, j'allais oublier, ils aiment raconter des blagues et des histoires. Il y a particulièrement une "chose" qu'ils se transmettent: Satu kali satu istri, dua kali dua istri (celui qui fait un aller retour au Welirang (soit 6 heures en moyenne dont 3 heures de descente avec un chargement) a une femme et celui, qui en fait 2, a 2 femmes). Il y a bien là une vie d'exception...
Ah oui, j'allais oublier, ils aiment raconter des blagues et des histoires. Il y a particulièrement une "chose" qu'ils se transmettent: Satu kali satu istri, dua kali dua istri (celui qui fait un aller retour au Welirang (soit 6 heures en moyenne dont 3 heures de descente avec un chargement) a une femme et celui, qui en fait 2, a 2 femmes). Il y a bien là une vie d'exception...
UN AN APRES -----
Un an après, les images du Welirang et de l'Arjuno restent collées au fond de ma rétine, mon corps a gardé la mémoire et transpire encore. Je parle souvent de ce voyage: le bruit du volcan, la vie des collecteurs, l'itinéraire du soufre... je le fais pour partager cette expérience avec mon entourage mais aussi parce que j'ai envie de raviver ma mémoire, parce que j'ai peur d'oublier. Le vieux l’a compris, c’était un moment rare de voyage.
Et une chose est certaine,
c’est que je retournerai sur les volcans.
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mardi 19 juillet 2011
8: 39
9:00
mercredi 20 juillet 2011
GUNUNG ARJUNO /3339 m |
MESSAGES DES ETUDIANTS |
12: 00
AU MILIEU DES EMANATIONS DE GAZ, LES COLLECTEURS CASSENT AVEC UNE LONGUE TIGE DES BLOCS DE SOUFRE. ILS TRAVAILLENT EN BINOME, AU RYTHME DES VENTS. |
13: 00
PREMIERE ETAPE: DESCENTE D'UNE CARGAISON DE 80 KG A L'AIDE D'UN BALANCIER POSE SUR LA NUQUE. . |
14:00
DEUXIEME ETAPE / AU POINT D'ELARGISSEMENT DU SENTIER: CONDITIONNEMENT DANS DES SACS PLUS GRANDS (CHARGE DE 120 A 170 kG) ET DESCENTE SUR LES CHARETTES . |
15: 00
CONDITIONNEMENT DANS LES SACS FOURNIS PAR LA COOPERATIVE |
17: 30
TROISIEME ETAPE: DESCENTE DU SOUFRE EN JEEP |
18:00
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Liens:
L'ouvrage de Nigel Barley - L'anthropologie n'est pas un sport dangereux - Anthropologue doué d'un humour féroce, il explore l'île indonésienne de Sulawesi.
Le blog de la journaliste Corinne Bourbeillon
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